Pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire
Lignes directrices à l’attention de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale
Le ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports s’est engagé depuis plusieurs années dans la lutte contre l’homophobie et la transphobie en sensibilisant l’ensemble de la communauté éducative aux effets des violences fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, ainsi qu’en prévenant celles-ci. Cet engagement s’inscrit dans une dynamique interministérielle, coordonnée par la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) et dont le Plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+ 2020-2023 [1] constitue la feuille de route. Son chapitre intitulé « Promouvoir une éducation inclusive et faire reculer les préjugés » invite notamment à porter une attention particulière aux élèves transgenres ou qui s’interrogent sur leur identité de genre [2], dont la situation et celle de leur famille doivent être bien prises en compte.
L’École, en tant que service public fondé sur les principes de neutralité et d’égalité, se doit d’accueillir tous les élèves dans leur diversité et de veiller à l’intégration de chacun d’eux avec pour ambition de leur permettre de réussir leur parcours scolaire. Elle promeut le respect d’autrui. Elle se fonde sur les valeurs de la République et donc d’un universalisme qui définit chacun non par son identité mais par sa dignité d’être humain. L’École ne saurait créer des droits particuliers au bénéfice de telle ou telle catégorie d’élèves, mais elle doit offrir à chacun d’eux, au-delà de leurs trajectoires personnelles, un environnement propice à leur réussite scolaire, ce qui est la finalité première de notre institution.
La transidentité est un fait qui concerne l’institution scolaire. Celle-ci est en effet confrontée, à l’instar de leur famille, à des situations d’enfants – parfois dès l’école primaire – ou d’adolescents qui se questionnent sur leur identité de genre. Concrètement, si chaque situation est unique, celle-ci se manifeste souvent – chez les enfants, les adolescents et les adolescentes – par un ensemble d’actes visant à affirmer socialement leur identité de genre vécue, par exemple un changement d’allure vestimentaire et/ou la demande d’être désigné par un nouveau prénom. Elle peut également se traduire par une certaine souffrance psychique et être, parfois, la cause de harcèlement.
Les personnels peuvent se trouver légitimement déstabilisés par ces demandes et, en tout état de cause, se trouvent confrontés à des questions très pratiques liées, par exemple, à l’utilisation d’un prénom choisi ou à l’usage des lieux d’intimité, auxquelles les réponses apportées sont aujourd’hui disparates et souvent improvisées. Or, celles-ci peuvent créer des situations préjudiciables au bien-être et donc à la réussite scolaire des élèves concernés. Elles peuvent également mettre certains personnels en difficulté, voire les exposer à des risques en termes de responsabilité.
La présente circulaire concerne exclusivement le cadre scolaire et n’a pas vocation à traiter l’ensemble de la question des mineurs transgenres ou en questionnement sur leur identité de genre – par simplification de rédaction appelés ci-après le plus souvent « élèves transgenres ». Ce texte s’adresse à l’ensemble des personnels, qu’ils exercent dans le premier ou dans le second degré, et il a pour objet de rappeler, dans le respect du droit commun, les règles à suivre pour prendre en compte les élèves transgenres et partager les bonnes pratiques qui ont pu être mises en œuvre dans des établissements scolaires en vue de faciliter leur accompagnement et les protéger, sans préjudice de ce que seront par ailleurs leurs parcours personnels.
La mobilisation de tous et toutes est indispensable pour créer des environnements scolaires qui garantissent à ces élèves le droit à l’intégrité, au bien-être, à la santé et à la sécurité. En regard, il est essentiel que chaque membre des équipes éducatives soit mis en mesure de comprendre les besoins exprimés par les jeunes concernés, de les protéger à travers la mise en place de mesures d’accompagnement individuelles, nécessairement élaborées en lien avec les familles, mais aussi de déployer des mesures générales et préventives garantissant à chaque élève les meilleures chances d’épanouissement personnel, de persévérance et de réussite scolaires, ce qui est la finalité première de notre institution.
1. Comprendre les réalités et la diversité des situations de transidentités
L’accompagnement des enfants et des adolescents transgenres ou en questionnement sur leur identité de genre peut être entravé par la permanence d’idées reçues sur les transidentités et par une méconnaissance de leurs parcours et de leurs droits. Connaître et comprendre les enjeux relatifs à l’identité de genre et les réalités du vécu des jeunes transgenres apparaît comme un prérequis à une bonne prise en compte de ces élèves en milieu scolaire.
Les institutions de santé, notamment l’Organisation mondiale de la santé (OMS), reconnaissent que la non-congruence entre le genre de naissance et le genre vécu ne constitue ni un trouble psychiatrique ni une pathologie. L’identité de genre est en effet propre à chaque individu et à son ressenti intime.
La Cour européenne des droits de l’homme relève, à cet égard, que la notion de « vie privée » mentionnée à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) « recouvre non seulement l’intégrité physique et morale de l’individu, mais aussi parfois des aspects de l’identité physique et sociale de celui-ci. Des éléments tels que, par exemple, l’identité ou l’identification sexuelle, le nom, l’orientation sexuelle et la vie sexuelle relèvent de la sphère personnelle protégée par l’article 8 de la Convention » (CEDH, 6 juillet 2017, Affaire A.P., Garçon et Nicot c. France, req. nos 79885/12, 52471/13 et 52596/13, point 92).
Cela signifie concrètement que la prise en considération de l’identité de genre revendiquée de la part d’un ou d’une élève ne doit pas être conditionnée à la production d’un certificat ou d’un diagnostic médical ou à l’obligation d’un rendez-vous avec un personnel de santé.
Les personnes transgenres ont des droits, édictés par des textes internationaux, européens et par la législation française. Elles peuvent notamment, selon certaines conditions, obtenir des modifications de leur état civil, indépendamment de toute transition physique ou de toute démarche médicale. Toutefois, seules les personnes majeures et mineures émancipées peuvent obtenir le changement de la mention du sexe à l’état civil.
Les personnes transgenres sont également protégées. Les actes et propos transphobes sont punis par la loi [3]. Par ailleurs, le droit fondamental au respect de la vie privée énoncé par l’article 9 du Code civil exclut toute révélation de la transidentité d’une personne sans son consentement.
Enfin, il est important de considérer que chaque situation est singulière. Les interrogations sur son identité de genre de la part de l’élève ne se traduisent pas nécessairement par un parcours de transition. Elles doivent faire l’objet d’une écoute attentive et bienveillante permettant de respecter le libre choix de l’élève en veillant à ne pas créer de situation irréversible qui serait en contradiction avec cette liberté.
Ainsi, ce parcours de l’élève peut souvent passer par des étapes d’affirmation sociale (changement d’apparence ou pas, adoption d’un prénom d’usage ou pas), par des révélations volontaires de son identité de genre (ou « coming out ») auprès de l’entourage amical, familial, scolaire, avant éventuellement de se traduire – ou non – par des démarches administratives (modifications de l’état civil) et/ou des démarches médicales (celles-ci n’étant en aucun cas obligatoires dans un parcours transidentitaire). Dans tous les cas, l’établissement scolaire doit être attentif à garantir les conditions d’une transition revendiquée – c’est-à-dire la possibilité d’être et de demeurer identifié et visible comme une personne transgenre – ou d’une transition confidentielle.
De fait, ces jeunes ne constituent pas une population homogène. Leurs parcours ne sont pas toujours linéaires et peuvent suivre des temporalités très différentes, alternant des périodes de questionnements, d’actions et de pauses. Chaque personne est libre de poursuivre, d’arrêter ou de reprendre son parcours de transition.
Les enseignants ont le devoir d’accompagner les jeunes et de faire preuve à leur endroit de la plus grande bienveillance, de leur laisser la possibilité d’explorer une variété de cheminements sans les stigmatiser ou les enfermer dans l’une ou l’autre voie.
2. Savoir répondre à la situation des élèves transgenres
Du fait de la diversité de ces situations, toutes les mesures d’accompagnement mises en place pour les jeunes transgenres ou en questionnement sur leur identité de genre doivent être élaborées de manière individuelle en se fondant sur les besoins exprimés par les élèves eux-mêmes et leur famille, dans le respect des règles communes à l’institution scolaire. Elles se fondent sur trois principes :
– écouter ;
– accompagner ;
– protéger.
a) Être à l’écoute des élèves et de leur famille : accueillir les questionnements et les besoins des jeunes transgenres
Dans de nombreuses situations, l’élève et sa famille sollicitent ensemble l’équipe éducative avec des questionnements sur les possibilités d’une transition en milieu scolaire et sur les conditions concrètes d’accompagnement de l’élève. Le premier principe d’action est alors celui d’une écoute active et bienveillante des interrogations et des besoins exprimés par l’élève. L’élève a en premier lieu besoin que des adultes prennent en compte sa réalité et ses questionnements. Il s’agit d’être attentif à ses demandes et à son vécu spécifique et de le ou la rassurer sur sa légitimité à se poser des questions. Adopter une posture d’écoute et de respect en proposant à l’élève de s’exprimer, sans préjuger de ses besoins, permet de créer une relation fondée sur la confiance et le soutien.
Il est aussi important de rappeler que certaines questions touchant à l’intimité de l’élève – relatives au corps ou au parcours médical par exemple – n’ont pas à être abordées à moins que l’élève en prenne l’initiative.
Il est essentiel, dans le même temps, de rassurer la famille qui accompagne l’élève dans sa démarche sur la capacité de l’établissement à le ou la protéger et à lui assurer de bonnes conditions de scolarité. L’élève, ses représentants légaux et l’équipe éducative peuvent alors se concerter afin d’identifier les meilleures mesures d’accompagnement pour garantir le bien-être de l’élève à l’école.
Si l’élève fait seul la démarche d’aborder la question de son identité de genre auprès d’un personnel de l’établissement, une communication avec les représentants légaux ne doit se faire qu’avec l’accord explicite de l’élève. Le respect de ce principe de confidentialité est en effet capital : dans certains cas, une divulgation non souhaitée de la transidentité du jeune peut l’exposer à un sérieux risque de rejet ou de violence.
En revanche, si l’élève en fait la demande, l’équipe éducative a tout intérêt à créer les conditions d’un dialogue constructif, voire d’une médiation, avec les représentants légaux permettant de rechercher le consensus et de favoriser une meilleure prise en compte de la situation du mineur.
Dans les cas où le mineur apparaît en situation de danger dans son environnement familial ou de vie, il peut être décidé de rédiger et transmettre une information préoccupante à la cellule départementale de recueil des informations préoccupantes (Crip) ou de faire un signalement judiciaire auprès du parquet des mineurs.
b) Accompagner un ou une élève transgenre : mettre en œuvre des mesures individualisées pour accompagner le parcours des élèves et les protéger
La première responsabilité des personnels d’une école ou d’un établissement scolaire vis-à-vis d’un ou d’une élève transgenre est de protéger sa santé, sa sécurité et son droit à l’éducation. Cela passe par la mise en œuvre de mesures concertées avec l’élève et avec ses représentants légaux. Permettre à un ou une élève transgenre de faire sa transition dans de bonnes conditions conduit, dans de nombreuses situations, à un retour vers l’école d’élèves qui avaient été déscolarisés.
Le changement de prénom
Pour les élèves concernés, adopter un nouveau prénom et demander l’utilisation de pronoms correspondant à leur genre peuvent être des étapes très importantes. Il est à noter que les mineurs peuvent, avec l’accord de leurs représentants légaux, demander un changement de prénom à l’état civil [4], mais que l’utilisation d’un prénom d’usage est une étape nécessaire avant une modification éventuelle de l’état civil. Ainsi, pour de nombreux jeunes transgenres d’âge scolaire, la reconnaissance sociale de l’identité de genre passe par le recours à un prénom d’usage.
Dans le cas le plus fréquent, quand l’état civil n’a pas été modifié, si la demande est faite avec l’accord des deux parents de l’élève mineur [5], il s’agit alors de veiller à ce que le prénom choisi soit utilisé par l’ensemble des membres de la communauté éducative, le respect de l’identité de genre d’un élève ne devant pas être laissé à la libre appréciation des adultes et des autres élèves [6].
De la même façon, pour accompagner ce changement, l’établissement scolaire substitue le prénom d’usage, de manière cohérente et simultanée, dans tous les documents qui relèvent de l’organisation interne (listes d’appel, carte de cantine, carte de bibliothèque, etc.) ainsi que dans les espaces numériques (ENT, etc.). En revanche, la prise en compte du contrôle continu pour les épreuves de certains diplômes nationaux implique que seul le prénom inscrit à l’état civil soit pris en compte dans les systèmes d’information organisant le suivi de notation des élèves [7].
En tout état de cause, l’établissement, bien que soucieux de l’accompagnement de l’élève, ne peut opérer un tel aménagement sans l’accord des représentants légaux. L’exercice de l’autorité parentale, qui recouvre un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant, ne saurait être remis en cause.
Article 371-1 du Code civilL’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques.Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. |
Ainsi, si les parents de l’élève mineur s’opposent à l’utilisation d’un prénom d’usage demandé par leur enfant dans son cadre scolaire, il conviendra alors, dans l’intérêt de l’élève et à son initiative, d’instaurer un dialogue avec sa famille.
Dans l’hypothèse plus rare où la modification de l’état civil a été obtenue, tous les documents administratifs relatifs à la scolarité de l’élève et aux examens doivent être rectifiés dans les meilleurs délais afin de les faire correspondre aux documents d’identité. À la demande de la personne, les diplômes et les bulletins scolaires délivrés avec l’ancien prénom doivent être réédités avec le bon prénom.
L’expression de genre et les normes vestimentaires
Outre l’utilisation du prénom et des pronoms d’usage, le respect des choix liés à l’habillement et à l’apparence est également un aspect important de la reconnaissance de l’identité de genre de ces jeunes. Il appartient aux personnels de veiller à ce que l’expression de genre des élèves ne soit pas remise en cause ou moquée, notamment de la part des autres élèves et des personnels. Les mesures contre le harcèlement et le cyberharcèlement du programme pHARe (Programme de lutte contre le harcèlement à l’école) s’appliquent particulièrement à ce type de situations.
Il convient également de s’assurer que les règles de vie scolaire, en particulier celles relatives aux tenues vestimentaires, ne font pas l’objet de consignes différenciées selon le genre. Ainsi, les vêtements et accessoires autorisés et interdits le sont pour tous les élèves sans distinction, notamment lorsque ces interdictions sont justifiées par des impératifs de sécurité. Il en va de même pour le port du maquillage et des bijoux – y compris dans les filières professionnelles et durant les périodes de formation en milieu professionnel.
L’usage des espaces d’intimité
Les élèves concernés peuvent également exprimer des préoccupations liées à l’usage des espaces d’intimité (toilettes, vestiaires, dortoirs) lorsqu’il n’y a pas de lieux appropriés (par exemple des toilettes mixtes). À la demande des intéressés et selon la disponibilité des lieux, différentes options peuvent être envisagées :
- l’établissement, lorsque cela est possible, peut autoriser l’élève à accéder à des toilettes individuelles et à des espaces privés dans les vestiaires et au sein de l’internat ;
- l’établissement peut autoriser l’élève à utiliser les toilettes et vestiaires conformes à son identité de genre, en veillant, quand l’élève concerné est identifié par ses pairs comme étant transgenre, à accompagner la situation ;
- l’établissement peut autoriser l’élève à occuper une chambre dans une partie de l’internat conforme à son identité de genre dans les mêmes conditions ; une solution peut être recherchée en concertation avec les camarades de l’élève concerné pour le partage d’une chambre ; en tout état de cause, les solutions mises en œuvre devront nécessairement avoir fait l’objet d’un consensus ;
- l’établissement peut convenir avec l’élève de la mise en place d’horaires aménagés pour l’utilisation des vestiaires et des salles de bain/douches collectives.
Par ailleurs, il convient d’exercer une vigilance particulière dans ces espaces où tous les élèves, et a fortiori les jeunes transgenres, se sentent plus vulnérables et se trouvent plus particulièrement exposés aux risques de violences et de harcèlement.
Les choix relatifs aux toilettes, aux vestiaires et aux dortoirs doivent également, dans la mesure du possible, s’appliquer lors des déplacements, sorties et voyages scolaires. Les établissements scolaires peuvent être amenés, avec l’autorisation de l’élève et des représentants légaux, à communiquer – dans le cas par exemple d’une compétition sportive à l’extérieur ou d’un échange scolaire – avec un autre établissement ou une structure d’accueil pour s’assurer que l’élève aura accès à des installations sécurisées et conformes à ses besoins.
c) Protéger les élèves transgenres contre toutes formes de discriminations, de harcèlement et de violences
À l’instar de tous les élèves présentant des facteurs de vulnérabilité, les élèves transgenres sont particulièrement exposés aux risques de harcèlement et de cyberharcèlement. Ils sont également fréquemment victimes, au sein des établissements scolaires, de propos et de violences transphobes émanant d’élèves comme d’adultes [8]. C’est le rôle de l’équipe éducative de les protéger. Les personnels de l’école ou de l’établissement, notamment les personnels de santé scolaire, doivent être en capacité de repérer ces agissements ou les souffrances qu’ils entraînent, et d’y répondre. Afin de mieux faire face à ces comportements, chaque établissement d’enseignement scolaire peut s’appuyer conjointement sur la mise en œuvre d’actions de prévention, sur l’accompagnement des victimes et enfin sur la responsabilisation et la sanction des auteurs.
Compte tenu des risques de déscolarisation d’élèves transgenres ou en questionnement quant à leur identité de genre, les personnels de l’école, du collège ou du lycée veillent également aux manifestations de mal-être ou à toute évolution à la baisse des résultats scolaires. Une mauvaise prise en compte de la transidentité d’un ou d’une élève peut en effet rapidement provoquer le développement d’une phobie scolaire et conduire à une situation de décrochage.
Comme pour l’ensemble des élèves, l’équipe éducative est également attentive à l’état de santé de ces jeunes et veille à garantir, en interne, l’accès à des consultations assurées par des professionnels de l’enfance et de l’adolescence formés à ces problématiques. Une attention particulière doit être portée à la manifestation de troubles co-occurrents (troubles anxieux, dépression, risque suicidaire, abus de substance, autoagressivité, etc.), plus fréquents chez les jeunes transgenres que dans la population générale.
La plupart du temps, les mesures d’accompagnement mises en place pour accueillir les élèves transgenres ne soulèvent pas, pour l’établissement, de contraintes ou de difficultés particulières. Elles sont d’autant plus faciles à mettre en place qu’elles ont été anticipées et que la politique d’établissement et le règlement intérieur prennent en compte de façon explicite les besoins des jeunes concernés.
3. Prévenir la transphobie : mettre en place des mesures générales et préventives
Enfin, l’accueil des élèves transgenres ou en questionnement sur leur identité de genre ne peut se dérouler dans de bonnes conditions que si chaque école, collège et lycée s’efforce de créer un environnement bienveillant pour tous, que des élèves transgenres y soient scolarisés ou non, en ne tolérant notamment aucune injure transphobe. Cette politique de prévention de la transphobie doit s’inscrire dans une dynamique collective, transversale et dans le cadre de la lutte contre toutes les violences de genre et formes de discrimination.
Une démarche collective et partenariale
L’ensemble de cette démarche collective est porté par la direction de l’établissement. Celle-ci joue un rôle central en matière d’information des personnels (la gestion de l’information implique également, dans certaines situations, le respect de la confidentialité et de la vie privée) et de coordination de l’équipe éducative. Il lui revient de rappeler aux personnels leur responsabilité en termes d’accompagnement et de protection de ces élèves. Leur garantir un accueil respectueux implique de surcroît que les adultes d’un établissement soient sensibilisés aux questions relatives à l’identité de genre. La présence de personnels formés, en capacité d’accueillir la parole des élèves dans un cadre sécurisé et d’accompagner leur parcours individuel et, le cas échéant, leur famille, contribue à cette démarche. Des sessions de formation sont régulièrement inscrites au plan national de formation et dans les plans académiques de formation. Au regard du contexte propre à un établissement, le chef d’établissement peut également décider d’adapter sa politique de prévention de la transphobie et d’accompagnement des jeunes transgenres en mettant en place une formation d’initiative locale.
Dans chaque académie, les personnes chargées de mission égalité filles-garçons (cf. annuaire), les observatoires des LGBT+phobies, les personnes référentes pour l’éducation à la sexualité, les personnels sociaux ou encore les équipes référentes harcèlement du rectorat, notamment dans le cadre de la généralisation du programme pHARe, sont autant de personnes ressources qui peuvent être mobilisées. Elles peuvent être sollicitées pour des projets de formation, d’action éducative en établissement, pour identifier des partenaires associatifs locaux. Dans les collèges et les lycées, les référents et référentes égalité filles-garçons peuvent être des interlocuteurs privilégiés.
Cette politique doit nécessairement s’inscrire dans une démarche partenariale et s’appuyer sur l’ensemble des expertises disponibles (professionnels de l’enfance et de la jeunesse, pédagogues, personnels sociaux et de santé, etc.) et sur le concours des associations, agréées ou conventionnées par l’éducation nationale, qui contribuent à la sensibilisation des élèves et à la formation des personnels. Il est également opportun d’y associer les représentants de parents d’élèves.
Une politique d’établissement intégrée et transversale
L’action menée par l’établissement atteint ses objectifs si elle s’inscrit dans une politique cohérente de lutte contre toutes les violences de genre. La politique de prévention de la transphobie est ainsi d’autant plus efficace qu’elle s’articule avec la lutte contre le sexisme et contre l’homophobie, tout en conservant une attention aux spécificités liées aux violences transphobes.
Elle suppose en outre d’actionner différents leviers de la politique d’établissement :
- Prévoir les implications administratives et matérielles de l’expression de la diversité des identités de genre
Exemple : Mettre en place un processus facilitant la substitution ou l’ajout d’un prénom d’usage dans les documents qui relèvent de l’organisation interne.
- Prévenir les violences entre pairs
Exemple : Intégrer à la politique de prévention du harcèlement les spécificités des violences sexistes et LGBT+phobes, organiser des actions de sensibilisation, s’appuyer sur les projets d’éducation à la sexualité.
- Développer des actions éducatives
Exemple : Le 17 mai, journée internationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie, est une date inscrite au calendrier des actions éducatives. Elle peut, chaque année, être l’occasion de marquer un temps fort de visibilité et de réflexion autour des questions relatives à l’orientation sexuelle et aux transidentités.
- Encourager et valoriser les pratiques de soutien entre élèves
Exemple : Soutenir les initiatives des élèves porteurs d’actions de prévention des discriminations et violences de genre (groupes de réflexion et de parole, actions des CVC/CVL, etc.).
- Développer la prévention de la transphobie à travers les situations d’apprentissage
Exemple : Veiller à la mise en œuvre des points de programme portant sur la transphobie.
4. Des ressources
Des outils et ressources relatives à la prévention de l’homophobie et de la transphobie et à l’accompagnement des élèves LGBT+ sont disponibles sur le site Éduscol, sur l’espace dédié « Prévention des LGBTphobies » : https://eduscol.education.fr/1590/prevention-des-lgbtphobies?menu_id=1956
Le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports,
Jean-Michel Blanquer
[1] L’acronyme « LGBT » désigne les personnes « lesbiennes, gays, bi, trans ». Le signe + est ajouté pour inclure l’ensemble des personnes dont l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genre s’écartent de la norme dominante.
[2] Une personne transgenre, transidentitaire ou trans est une personne qui ne s’identifie pas au genre de sa naissance. Cela englobe toute personne ayant fait ou souhaitant faire le choix d’une transition, qu’elle soit sociale, administrative-légale ou médicale.
[3] Cf. articles 225-1 et 132-77 du Code pénal, respectivement relatifs aux discriminations et à la circonstance aggravante des crimes et délits.
[4] En revanche, les mineurs ne peuvent pas changer la mention de leur sexe à l’état civil avec les procédures de l’article 60 du Code civil.
[5] L’élève majeur ou mineur émancipé peut décider seul des modifications administratives le concernant.
[6] Dans sa recommandation générale de juin 2020 sur les droits des personnes transgenres, le Défenseur des droits, notamment saisi par un lycéen transgenre qui se heurtait au refus de l’équipe enseignante de prendre en compte son identité de genre, a estimé que « tout agissement lié à l’identité de genre subi par une personne […] et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » caractérise une discrimination prohibée au sens de la loi du 27 mai 2008.
[7] Les applications de gestion de la scolarité seront adaptées progressivement pour permettre ces évolutions.
[8] L’enquête de climat scolaire menée par la Depp auprès de lycéennes et lycéens en 2017-2018 a mis en évidence la prévalence de violences homophobes. L’enquête sur la santé des personnes LGBT, dirigée par A. Alessandrin et J. Dagorn, dont les résultats ont été publiés en 2020, a quant à elle établi que 72 % des jeunes trans et/ou non binaires qualifient leur expérience scolaire de « mauvaise » ou « très mauvaise ». L’enquête réalisée en 2018 par G. Richard pour le MAG Jeunes LGBT, avec le soutien de l’Unesco, a par ailleurs montré que les deux tiers des jeunes trans rapportent avoir été ciblés par des violences verbales de la part de leurs pairs à l’école et environ le cinquième, par des violences physiques.